Introduction
Autant être clair dès le début. L’objet de ce blog ne relève pas d’une tentative désespérée et grotesque de forcer la publication d’un texte (CORPUS - 230 pages) dont personne ne semble vouloir, ni de donner des conseils définitifs au peuple des romanciers de tiroir et encore moins de tirer à boulets rouges sur certains immeubles du 6ème arrondissement (cependant, moyennant finances, je peux livrer sous pli discret à qui le souhaite une carte d’Etat Major de l’arrondissement susnommé dûment annoté, complété de la liste des digicodes des portes cochères de chaque éditeur, et des prénoms de leurs maîtresses). J’espère que cette monographie commentée de la lettre de refus sera au monde de l’édition ce que le string est aux fesses de mme Thatcher: un cache-misère.
Qu’est-ce qu’une lettre de refus ? Vaste question. Nulle part, vous ne verrez écrit le terme de refus sur cette fameuse lettre qui ne dit pas son nom (la coquine !). En effet, contrairement aux lettres administratives, dont elle emprunte souvent le ton, elle n’a pas d’objet. L’éditeur, pudique, délicat, je m’en-foutiste, s’embarrasse, dans une courte volée de lignes, de quelques formules dont l’enjeu est de remercier, présenter ses condoléances et réclamer une somme forfaire pour le retour en vos quartiers de votre encombrant manuscrit. La lettre de refus est avant toute chose une énorme déception dont on ne peut cependant pas se passer car faire le pied de grue devant sa boîte aux lettres devient vite une sale dope pour les auteurs de tiroir super-stressés. Déceptions, donc. Et trois fois plus qu’une. D’abord on vous dit non. Ensuite, on vous le dit de manière banale. Enfin, on ne vous donne pas d’explication.
Force est de constater (je n’aime pas cette expression et je ne comprends toujours pas ma manie masochiste de lui faire prendre de temps en temps l’air au milieu d’un paragraphe qui pouvait parfaitement s’en passer) que le déséquilibre règne en maître. D’un côté, écrasant et majoritaire, les rangs d’oignons d’auteurs de tiroirs, moribonds, refusés d’office, nerveux, dépressifs, maniaques de l’adjectif à rallonge et grands consommateurs d’adverbes ; de l’autre la profession, impassible et dédaigneuse (j’exagère, je sais, mais c’est très bon d’exagérer quand on est encouragé par les ricanements entendus des refusés). L’éditeur est débordé, submergé, asphyxié (500 manuscrits par mois chez Actes Sud). Chaque matin, la poste déverse ces tombereaux de manuscrits. Que peut-il faire ? Répondre coup pour coup. Un manuscrit ? Hop !, une lettre type de refus ! On m’accusera d’exagérer (voir supra) ? Qu’on lise la prose des éditeurs pour se faire une juste idée.
Pas d’amertume sur ce blog en forme de Guide Michelin des établissements les plus courus. Seulement une légitime requête, celle de voir joindre un geste à une parole. Si les comités de lecture font réellement leur travail, qu’ils nous (me) fassent parvenir les mythologiques fiches de lecture justifiant leurs refus. Combien de temps faut-il pour écrire une histoire ? Combien de temps faut-il pour plier et timbrer une lettre de refus ? Je milite donc pour la fiche de lecture jointe à toutes les lettres de refus commençant par l’expression « après une lecture attentive de votre texte par notre comité… ».
Jadis (il y a trois ans), j’ai composé à quatre mains (les 2 mains présentement sur mon clavier et celles d’un ami journaliste) un polar loufoque (mais drôle) qui a essuyé, lui aussi, des réactions de légitime défense d'y revenir. Grâce à un appui indirect (on rêve, mais c'est la vérité !), nous avons pu mettre la main sur une fiche de lecture de Fleuve Noir. Vous en trouverez un fac-simile en bas de page.
On se demandera, finalement, s’il ne vaut pas mieux rester ignorant du pourquoi et du comment…
En consultant les lettres de refus d’une vingtaine d’éditeurs (publication des lettres de refus au fur et à mesure de leur arrivée dans ma sainte boîte aux lettres) auxquels fut soumis le manuscrit CORPUS, vous entrez sous les jupes de la République des Lettres. Amis romanciers de tiroir, restons dignes.
Mr. F.
De l’auteur, vous retiendrez :
- J’ai 35 ans et je suis un auteur de tiroir.
Moins on en dit, mieux on se porte (extrait de « Pensées secrètes de Jacques Chirac »)
Conseil : ne suivez pas mon exemple (il ne peut que vous desservir), j’ai certainement eu tort de joindre un résumé de deux pages au manuscrit CORPUS (mais quel con !!!). Une enveloppe, un manuscrit et trois gouttes d'eau bénite.
D
Fiche de lecture de Fleuve Noir pour le roman de tiroir Requiem Agricole